INTERVIEW: GREGORY NICOLAS



Ma belle Mathilde puisque te v´là!

Un clin d’œil au grand Jacques mais surtout une salve d’applaudissements pour le nouveau livre de Grégory Nicolas. Mathilde est revenue aux éditions Rue des Promenades. En voilà une belle découverte ! En voilà du coup de cœur pour ce jeune auteur qui s’était déjà fait remarquer avec Là où leurs mains se tiennent. Dans ce deuxième roman comme dans le couple que forment Mathilde et Jérôme en proie à un exil breton, il se passe quelque chose. C’est beau et ça cloche. Histoires d’amour à la modernité indéfinissable avec pour flèche en plein cœur un enfant, Louis. Histoires d’interrogations et autres turbulences dans l’air iodé d’un patelin costarmoricain. Dans son approche narrative, après avoir fait le portrait de famille, Grégory Nicolas donne ensuite voix au chapitre à chacun de ses personnages pour mieux tenter de comprendre l’intérieur de chacun d’Eux. Ils étaient beaux, ils étaient heureux mais pas que… Portée par une écriture singulière et sans fioriture d’un charme désarmant, l’affaire Louis trio révèlera presque toutes ses vérités. A vous de vous en emparer ! L’auteur s’est joyeusement prêté au jeu des 10 questions pour un champion.

Comment est né ce nouveau roman? Qu'est-ce qu'il l'a inspiré?

Mathilde est revenue est né du désir que j'avais d'écrire un livre qui se passerait au cœur d'une famille, à notre époque. Je souhaitais une histoire ultra contemporaine, témoigner de notre temps. L'inspiration est avant tout une maturation, quelques mois, avant de se lancer dans le récit, comme un jaillissement.

Le titre est-il un hommage à la chanson de Jacques Brel?

Le titre fait bien entendu référence à Brel. La musique en temps qu'elle touche, qu'elle crée de l'émotion à une place importante dans le livre. Elle permet de mieux comprendre le personnage de Mathilde. C'est aussi un moyen d'annoncer une histoire. Enfin, j'ai trouvé le titre tardivement, après avoir remis le manuscrit à mon éditrice. Elle m'a fait remarquer que j'avais employé ces mots dès la première page ! Je n'y avais pas fait attention.


Le roman est découpé en quatre parties (Eux, Mathilde, Jérôme, Louis), qu'avez-vous cherché à structurer d'un point de vue narratif?

Les gens vivent des moments communs mais pour autant, leur ressenti, leurs émotions, leurs souvenirs sont différents, c'est ce décalage qui m'intéressait. On prête beaucoup de pensées aux autres. Tout cela donne de l'incompréhension qui peut créer du comique mais aussi du drame. Pour faire apparaître cela il me semblait nécessaire de travailler sur le point de vue. Je voulais donner la parole aux personnages, les essorer, pour qu'à la fin du roman on ait le sentiment d'avoir vécu avec eux.


Quel personnage avez-vous le plus aimé créer?

J'ai beaucoup de tendresse pour tous mes personnages. J'ai passé plusieurs heures par jour avec eux pendant deux ans. Ils m'obsédaient. C'est peut-être Mathilde qui m'obsédait le plus, je cherchais à la comprendre, à trouver ses failles mais aussi ses forces. Mais le personnage de Jérôme s'est révélé au fur et à mesure de l'avancement du livre de plus en plus complexe. Je suis toujours un peu surpris quand un auteur dit que ses personnages ont pris le pouvoir, j'ai l'impression que c'est surtout une formule d'écrivain pour frimer, cependant j'ai eu le sentiment, à un moment, que Jérôme se révélait à moi.

Auriez-vous pu inverser les rôles? Faire que Jérôme revienne...

Non cela n'était pas possible. Je voulais évoquer la fugue d'une femme mais surtout la fugue d'une mère. Tout l'enjeu d'écrire ce texte était de trouver des raisons assez fortes, au moins du point de vue de Mathilde, pour qu'elle abandonne son amoureux mais surtout son fils.

Comment qualifieriez-vous votre écriture, votre style?

C'est une question difficile de parler de « son style ». Je dirais que je suis un auteur d'aujourd'hui, j'ai conscience du temps dans lequel je vis, de l'histoire de la littérature. Je reste un écrivain débutant au sens où je suis au début de ma carrière et que je la veux longue et belle. Je veux être fier de moi plus tard, je veux que mon fils soit fier de moi plus tard. Chaque ligne est importante. J'essaie d'écrire le plus clairement possible, j'aime lorsque ça roule, la fluidité dans les idées et la sonorité des phrases. J'écris à voix haute.

Qu'est-ce qui évolue dans votre écriture?

Chaque jour j'acquiers de la technique. Elle me permet d'être plus précis. Chaque jour également je perds en pudeur. Ces deux choses réunies font que j'arrive à évoquer des sujets plus graves mais en gardant une part de fantaisie. Je suis aussi de plus en plus ambitieux dans les sujets auxquels je m'attelle et la façon de les traiter.

Qu'est-ce que vous essayez de dévoiler chez l'Homme?

Je ne cherche pas à dévoiler quoi que ce soit chez l'Homme, je cherche à dévoiler à l'Homme. Je veux lui montrer le beau, l'instant, la chance d'être vivant. J'aime bouffer, j'aime boire, j'aime faire l'amour, j'aime créer, j'aime regarder les jolies choses que nous offre le quotidien. J'emmerde les cyniques.

Qu'est-ce qui vous a le plus ému dans votre dernier livre?

C'est lorsque j'ai reçu le livre, nous étions chez mon éditrice, c'est un moment toujours un peu magique. Ensuite je suis allé boire un verre et en revenant chez moi je me suis rendu compte que Mathilde, Jérôme et Louis ne m'appartenaient plus. J'avais un peu le sentiment de les abandonner, j'étais triste.

Quels sont vos trois derniers coups de cœur ? Et quels sont les auteurs qui vous inspirent ?
Les rêves de guerre de François Médéline (Manufacture de livres) François est un ami mais c'est avant tout un écrivain que j'admire. Je crois que l'on ne se rend pas encore compte du génie de ce mec. Rouge ou mort de David Peace (Rivages) je lui tournais autour depuis longtemps, j'ai pris une grande claque. Le cœur du pélican de Cécile Coulon (Viviane Hamy) Cécile et moi on est de la même génération, on a tous les deux écrit sur le sport et ses textes me touchent. En la lisant j'ai l'impression de la voir écrire... Je suis très inspiré par les auteurs des années 50/60 : Antoine Blondin, René Fallet mais aussi Marcel Pagnol. J'aime leurs styles et leurs histoires, la sensibilité derrière la caricature. Mais le plus grand livre que j'ai lu reste L'été meurtrier de Sébastien Japrisot. 

Un très grand merci à Grégory Nicolas et aux éditions Rue des Promenades (www.ruedespromenades.com) 

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